Il vaut la peine de relire cet article paru sur les Echos.fr
Tarif de l’électricité : le paradoxe européen
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Des prix de l’électricité toujours plus bas sur le marché de gros, mais toujours plus élevés pour les consommateurs : c’est la conséquence de la montée en puissance des énergies renouvelables subventionnées en Europe. En se scindant, l’allemand E.ON a peut-être trouvé une parade.
L’électricité est un service essentiellement
local, organisé sur une base nationale, car le transport et l’ajustement
permanent coûtent très cher. Alors qu’aux Etats-Unis le pouvoir fédéral
se contente de coordonner, l’Union européenne a pris la main dans ce
domaine par le biais de l’environnement, tout en ignorant l’autre volet
de sa mission : la compétitivité et l’intérêt des consommateurs.
Depuis six ans, les prix de l’électricité ont
augmenté de 43 % en Europe et, d’après l’EIA (l’agence américaine de
l’énergie), ils sont devenus plus de deux fois plus élevés en Europe qu’aux Etats-Unis,
en partie à cause du gaz de schiste, mais surtout de l’absence de
précipitation des Américains pour ces transitions. L’écart des prix est
appelé à croître.
L’Union européenne impose une surcapacité
électrique structurelle et l’essentiel des surcoûts est encore devant
nous. Depuis quelques années, trois fondamentaux se sont additionnés
pour créer une surcapacité massive de production : l’interconnexion des
réseaux a mis en commun la surcapacité technique existante dans chacun
des 28 pays, ce qui a diminué le besoin global de surcapacité pour
assurer la sécurité de tous ; la crise économique a entraîné une baisse
durable de la demande industrielle ; et surtout, la plupart des pays ont
été encouragés à construire de nouvelles centrales solaires et
éoliennes à un moment où, en fait, aucun pays n’en avait besoin pour
satisfaire la demande. Et ce mouvement se poursuit, sauf en Espagne qui a
estimé cette politique inconciliable avec sa sortie de crise.
Après quelques années, la surcapacité générale
a fini par entraîner un effondrement du prix de l’électricité sur le
marché de gros. Alors que le prix raisonnable de long terme se situe de
l’ordre de 70 à 80 euros le MWh, le niveau des prix de la Bourse de
l’électricité européenne Epex ne cesse de baisser chaque année :
52 euros en 2012, 45 en 2013, puis 37 en 2014 et 35 euros prévus en
2015 !
L’insertion croissante de nouvelles sources
d’ENR subventionnées conduit à des prix de vente d’électricité toujours
plus bas sur le marché de gros et toujours plus élevés pour les
consommateurs, qui doivent payer en plus du prix de gros les subventions
pour l’éolien et le solaire. Cette divergence entre prix de gros et de
détail va se poursuivre et s’accentuer.
Comme l’Allemagne est en avance en matière
d’énergies renouvelables, les problèmes y apparaissent plus tôt
qu’ailleurs. Cela explique pourquoi la société E.ON a décidé de se
couper en deux : d’un côté, l’activité commerciale, et celle de
production éolienne et photovoltaïque pratiquée sous le contrôle d’un
Etat bienveillant. Ce sont des activités faciles à coter en Bourse, car
financièrement peu risquées. De l’autre côté, la production
d’électricité classique vendue à bas prix devient très risquée, car les
électriciens restent totalement soumis à des décisions publiques
imprévisibles, que ce soit pour le charbon, le gaz ou le nucléaire. Pour
les centrales à charbon, le marché du CO, mais surtout aussi les
limitations politiques à venir sur les émissions carbonées en Allemagne
constituent une menace permanente. Dans le domaine nucléaire,
l’incertitude sur la fin du cycle est tout aussi forte.
Par sa scission, E.ON se prémunit du risque de
devoir payer le démantèlement ou le fonctionnement à perte des
centrales « classiques » avec les profits réalisés avec l’éolien ou le
solaire.
Surtout, E.ON place une de ses sociétés comme
un pur producteur d’électricité garantie. Tôt ou tard, celui-ci aura une
chance de retrouver bonne fortune : personne n’imagine une électricité
sans une part de production garantie. Le gouvernement allemand devra
alors créer des conditions permettant de rentabiliser ces équipements,
même s’ils ne fonctionneront qu’une partie de l’année. Cette seconde
vague engendrera alors de nouveaux surcoûts, qui sont jusqu’à ce jour
cachés.
En France, nous en sommes encore à la première
vague de surcoûts, celle bien connue de l’augmentation des coûts
directement proportionnelle au nombre de nouvelles centrales éoliennes
et photovoltaïques. Elle n’est répercutée sur le consommateur que très
progressivement (6 et bientôt 10 milliards d’euros par an en France dans
la CSPE, et 24 milliards en Allemagne dans l’EEG Umlage).
Mais ces surcoûts ne
représentent que la partie actuellement visible de l’iceberg. Car ils
arrivent en deux vagues successives. Un train de hausses peut en cacher
un autre. La transition électrique allemande, comme la transition
énergétique en général, ne peut s’analyser de façon simpliste en termes
d’échec ou de réussite. Il s’agit d’une mutation profonde du système
productif, avec des avantages et des inconvénients. Mais respecter le
consommateur, c’est respecter la gestion du temps : l’impatience coûte
très cher.
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