Il y a à Saint-Brais une maison extraordinaire. Il faut traverser un mur de végétation, en haut d'un pâturage boisé splendide, pour se retrouver sur cette propriété que je ne connaissais absolument pas, parce qu'on ne la voit pas. Elle se fait toute petite derrière un décor naturel. Même la barrière qui l'entoure est recouverte de verdure. Il faut un peu resquiller pour la découvrir... Je n'en croyais pas mes yeux. J'aurais fait ma valise sur le champ si l'opportunité m'avait été donnée de m'installer là. Mais ça, c'était avant...
C'était un dimanche au cours d'une promenade. Je vous fait la description telle que je l'ai gardé en mémoire (peut-être est-ce différent): Passée la barrière, je me suis retrouvée dans une clairière. En forêt on appellerait cela une clairière, mais au niveau des émotions ressenties c'était plus du domaine de la découverte d'un Oasis dans le désert! Je me suis sentie dans un monde à part. Un de ces univers d'enfant où l'on ne sait plus si le décor est un rêve où une réalité et où l'on se laisse porter en toute sécurité. Une jolie maison de pierre (comme une maison de maître mais pas si grande, avec peut-être la volonté d'être costaude sans arrogance) et un chalet habitable et charmant un peu plus loin se partageaient le terrain. La terre brune et le feuillage donnait au lieu la chaleur que l'absence prolongée des propriétaires aurait pu glacer. Les balançoires des enfants n'avaient plus valser dans les airs depuis longtemps, mais elles semblaient n'attendre que cela. La surprise encore vint d'une vue vertigineuse qui, du fond du jardin mène le regard jusqu'en France, au-delà du Doubs et de l'Ajoie. À cela encore, je ne m'attendais pas. Point d'enfermement donc. Bien au contraire.
Ce fut difficile de partir de là. De laisser ce coin de paradis à l'abandon, parce que déjà je savais que quelque chose le condamnait. Le pâturage qui l'abrite, est un lieu hautement symbolique du village, c'est aussi ici que l'on y trouve les grottes de Saint-Brais. Celles où fut retrouvée la fameuse dent par l'archéologue jurassien Frédéric-Edouard Koby en 1955, une dent de Néanderthalien : La datation par la méthode du radiocarbone, sur la base d'ossements d'ours des cavernes, situe aux environs de -40'000 l'âge du niveau où se trouvait la dent humaine, une modeste incisive supérieure gauche de 29 mm. L'homme le plus vieux de Suisse serait donc un Jurassien ? Qui s'en émeut aujourd'hui? En tous les cas pas le maire de Saint-Brais qui rêve de vendre cette partie du village aux voleurs de vent, qui eux, rêvent d'encaisser les millions des subventions promises aux énergies renouvelables en implantant ici entre 4 et 6 machines.
Le chalet Koby, c'est ainsi qu'on l'appelle ici, du nom de son célèbre premier propriétaire, a vécu ses heures de gloire. Caché sur ce coin de terre paradisiaque chargé de souvenirs et de lieux historiques, ce pâturage extraordinaire où viennent de loin se ressourcer les amoureux de la nature et du silence, où paissent les vaches et les chevaux des paysans du village, et ceci depuis combien de génération? Où l'on croise parfois chevreuils et renards lorsque tout est blanc et doux en hiver. Encore un lieu aimé et nécessaire, qu'ils vont mécaniser, robotiser, anéantir sous des tonnes de béton et de ferraille pour leur satané fric. Avec la bénédiction d'un maire qui devrait défendre comme la prunelle de ses yeux un tel endroit!
On m'a dit que le chalet Koby était à vendre... Et celui qui ose dire qu'il ne sera pas dévalué par la présence de ces machines infernales et inutiles est un imbécile. J'en ai rêvé, mais pour tout l'or du monde je ne m'y installerais plus avec un tel voisinage. Autant un 3 pièces au centre ville. Et je sais de quoi je parle: La ville en 3 pièces j'ai connu et le silence de la campagne aussi.
La bêtise de l'homme est à son comble.
... C'était le paradis, ça se voyait sur mon front
Or un matin joli que je sifflais ce refrain
Mon bonheur est parti sans me donner la main (Félix Leclerc, le petit bonheur)
Or un matin joli que je sifflais ce refrain
Mon bonheur est parti sans me donner la main (Félix Leclerc, le petit bonheur)
Photo: Le mât de mesure de vent aux abords du chalet koby, 75m, rallongé à 150m, hauteur des éoliennes
En lisant voisine d'éoliennes et l'extraordinaire histoire que renferme ce coin de terre, ce patrimoine d'une valeur inestimable, j'ai pensé oui la bêtise de l'homme est à son comble.
RépondreSupprimerY réfléchir, rallume en moi le volcan de mes révoltes. Ne sommes nous pas les spectateurs forcés, d'une absurde et immense tragédie.
Une fois de plus bouleversée, par tant d'hommes qui mettent notre monde en danger!
Pauvre humanité victime de cette horrible farce. C'est monstrueux, les mots n'arrivent plus à exprimer ce que mon coeur et mon corps ressentent.
Ces quelques lignes de Michel Quoist aideront peut-être tous ceux qui
luttent pour sauvegarder nos lieux de vies,qui se battent par amour du beau et du vrai.
Je sais aussi et j'admire que des hommes partout se dressent courageux
et debout,jettent leur corps saignant dans les luttes pour la justice et pour la paix,mais je sais aussi que d'un corps qui combat, sans un coeur qui bat,ne peut naître une victoire car les luttes sans amour,sont des luttes vaines, le sang qu'elles font couler,appelle un autre sang.
Écrit par : fleur des pâturages | 19/08/2012
Bonjour,
votre récit me donne des envies de visite de ce pâturages mais je ne vois pas bien où il se situe exactement, est-ce possible d'obtenir plus de détails pour s'y rendre? (par mail aussi si jamais)
Dans tous les cas, merci pour ce site qui parle avec coeur et qui insuffle un vent frais de révolte contre ces nouveaux avatars de la société industrielle et du monde (pourri) qui va avec!
Écrit par : Jean | 25/12/2012