dimanche 18 mai 2014

Des psy, des professeurs, des fonctionnaires au secours des éoliennes? On est où là?



Moyennant quelques petits aménagements...

ils envisagent de nous faire avaler n'importe quoi.
 Ce que la politique veut, ou plutôt ce que l’économie veut, elle l’obtient souvent de manière drôlement tordue. On vient d'en faire l'expérience avec la votations dans le canton de Neuchâtel, en même temps je préfère perdre que tromper les gens comme ils le font pour gagner.

Si je me réfère à l’analyse du sondage intitulé en français « Effets des éoliennes en Suisse » auquel ma famille a malheureusement participé, je constate que les citoyens que nous sommes ne sont en fait que des instruments avec lesquels jouent des personnalités dont les intérêts sont à mille lieues des nôtres.

Le jeu de famille auquel se livre le blog Vent-de-Folie s’enrichira de nouveaux membres à la lecture des documents en copie ou en liens avec ce post.

Que des Universités se donnent la main pour publier des études que l’on pourrait qualifier d’incestueuses, est profondément choquant. Je pensais que dans ces lieux prestigieux de l’enseignement on tirait le monde vers le haut. C’était sans compter sur les infiltrations industrielles, en l'occurrence celles des milieux de l’énergie, que servent des fonctionnaires, des professeurs ou leurs étudiants, des psychologues auxquels le vent a fait tourner la tête au point qu’ils en oublient leurs responsabilités éthiques et scientifiques en matière d’information, de publications et de loyauté envers la population.

Vous pouvez lire ici l’analyse qui a été faite de ce sondage par un groupe de travail, pour les associations « Les Travers du vent » et « librevent, et  ci-dessous l’éclairage de Claude Schindler, membre de "librevent", sur les acteurs de cette farce psychosociale et sur les questions que posent leur façon de faire et de publier des études reprises par l’industrie pour imposer des projets.



A propos de la « scientificité » de certaines études récentes concernant l'éolien
(2011-2013)


Les faits

    En 2011, le bulletin du Congrès suisse de l'électricité publie les résultats d'une étude quantitative de la chaire de psychologie sociale de l'Université de Zurich: « Acceptation locale des installations de biogaz ». Deux doctorantes signent l'article avec Götz WALTER présenté comme conseiller d'entreprises auprès de The Advisory House et responsable de la chaire de psychologie sociale à l'Université de Zurich.

    Ce même Götz WALTER (avec la collaboration de Markus GEISSMANN) est l'auteur du Rapport final du 30 novembre 2012, « Sozialpsychologische Akzeptanz von Windkraftprojekten an potentiellen Standorten – Eine quasiexperimentelle [sic] Untersuchung » (132 p.), commandité par l'Office fédéral de l'énergie (OFEN) et l'Université de Zurich, avec l'appui de The Advisory House. Il s'agit du questionnaire envoyé en juillet 2012 à 4'400 ménages à la base de l'enquête sur l'adhésion de la société à la stratégie de la Suisse en matière d'énergie. 951 questionnaires dûment remplis ont été retournés, puis dépouillés avec les méthodes statistiques d'usage. Je relève dans le sommaire une grande prudence: « Même si l'échantillon portant sur 951 personnes n'est pas représentatif, les résultats de cette enquête représentent un indice tendant à démontrer l'attitude positive de la population suisse envers le développement de l'énergie éolienne » (Rapport cité, p. 11). Mais surtout, je remarque dans le questionnaire l'apparition impromptue, en copyright, de l'équipe de l'Université de Halle, Gundula HUEBNER, Johannes POHL, Elisabeth LOEFFLER (p. 5 et 13), et de Nina HAMPL, de l'Institut d'économie et d'écologie de l'Université de Saint Gall (p. 12). Les publications de ces chercheurs ne figurent pas dans les repères bibliographiques de cette étude « quasi-expérimentale ».

     Le journal fribourgeois « La Liberté » s'empare de l'étude le 7 février 2013, sous le titre: « Des psys au secours des éoliennes », et en résume ainsi les chiffres: « Les premiers résultats révèlent ''une attitude positive'' de la population envers le développement de l'énergie éolienne. 42% des sondés approuvent les projets, 46% sont classés comme personnes ''indécises'' et seulement 12% des sondés rejettent les projets ». En « soignant » certains paramètres lors de la phase de planification, le taux d'acceptation pourrait être porté « à plus de 80% ». Le journaliste de « La Liberté » interroge ensuite Gundula HUEBNER sur cette nouvelle « science » qu'est la psychologie environnementale et signale l'activité didactique de la chercheuse de Halle sur le rôle des psychologues dans le tournant énergétique (séminaire à Berne en 2012).

    Survient alors la consultation des habitants de Daillens et d'Oulens (canton de Vaud) à propos d'un projet d'implantation d'un parc éolien sur leurs communes. Malgré la forte défense publique du projet le 6 mai 2013, documentée par Markus GEISSMANN, deux ingénieurs et des techniciens d'ennova, sur fond de pacification des conflits (images projetées de Federer embrassant Nadal, de poignées de main et de bulles de savon soufflées par un enfant lové dans son père), les habitants de Daillens refusent le projet à 78,3% (74,3% de participation), et ceux d'Oulens à 85,4% (83,2% de participation), le 9 juin 2013.

    On comprend dès lors pourquoi la publication du deuxième volet de l'étude sur l'acceptabilité de l'éolien prend un sens extra-scientifique de grande importance politique. Sa publication officielle par l'OFEN et l'OFEV le 28 octobre 2013, sous le titre: « Eoliennes: faible impact sur la population », est immédiatement répercutée dans les médias. Ce même jour, Gundula HUEBNER est interrogée par « Radio Jura bernois » sur le lieu même où les résultats de la recherche sont communiqués, Mont-Soleil, au sujet d' « une étude qui brave les préjugés ». Dans la foulée, Suisse-Eole annonce que « la grande majorité des riverains sont contents ». Le lendemain, « Le Temps » titre en page économie: « Seuls 5,5% des habitants concernés refusent des éoliennes chez eux ».

    Comment se présente ce Rapport final intitulé « Wirkungen von Windkraftanlagen auf Anwohner in der Schweiz: Einflussfaktoren und Empfehlungen » ? Il s'agit d'une étude menée en 2012-2013 par le département de psychologie de la santé et de l'environnement de l'Institut de psychologie de l'Université de Halle, en collaboration avec la chaire pour les énergies renouvelables de l'Institut pour l'économie et l'écologie de l'Université de Saint-Gall. Les auteurs: HUEBNER, LOEFFLER, HAMPL, WUESTENHAGEN. Les commanditaires: l'Office fédéral de l'environnement et l'Office fédéral de l'énergie.

    Le Rapport s'autorise de 43 références bibliographiques. Le document méthodologique majeur est cité au paragraphe 3.2. consacré à la « Méthode d'investigation » : « On a employé une liste de 614 questions, élaborée sur la base d'études similaires (par ex. HUEBNER & POHL 2010) et adaptée à la Suisse, notamment en collaboration avec des experts de l'OFEN et de l'OFEV ». L'article auto-référencé de HUEBNER & POHL, étude de 72 pages commanditée par le Ministère allemand de l'environnement, ne semble pas avoir fait l'objet d'une publication hors l'Université de Halle-Wittenberg. Quant aux autres publications des auteurs du Rapport de 2013, il est intéressant de constater qu'elles sont parues dans des revues techniques (« Erneuerbare Energien », « Energy Policy » ou à l'occasion de congrès (Conference on Wind Power and Environmental Impacts, Stockholm, 5-7 février 2013). Une exception: un article de HUEBNER paru dans un livre, Erneuerbare Energien – Ambivalenzen, Governance, Rechtsfragen, publié par Metropolis à Marburg en 2012. Voilà pour les Allemands. Quant aux Suisses, on retrouve le texte de Götz WALTER (déjà cité) publié en interne à l'Université de Zurich, et, in fine, un article sur l' « acceptance »  de Rolf WUESTENHAGEN,  publié également dans « Energy Policy » en 2007. WUESTENHAGEN, patron de Nina HAMPL, est le responsable de la chaire de management des énergies renouvelables de l'Institut pour l'économie et l'environnement de l'Université de Saint-Gall, institut crée en 1992.

Conclusions

    Que peut-on tirer de ce rapide parcours de références dites « scientifiques » à propos des effets sur l'humain de grandes éoliennes existantes ou programmées ?

    Premièrement, on voit sans peine que ce terrain universitaire est miné à un degré jamais atteint par les conflits d'intérêts. A aucun moment la qualité des mandataires des études, les Ministères fédéraux allemands et suisses de l'environnement et de l'économie, ainsi que le statut des sponsors qui appuient ou financent ces mêmes études, ne posent problème aux scientifiques. A titre d'exemple, le Rapport cité du 30 novembre 2012 commandité par le Ministère fédéral de l'énergie et cofinancé par The Advisory House, sous la responsabilité de Götz WALTER et d'un collaborateur, Markus GEISSMANN, responsable de l'éolien auprès du même Ministère. Ou, dans le Rapport du 28 octobre 2013, la référence au travail de HUBER & HORBATY, 2010, IEA Wind Task 28, deux consultants de ENCO AG Switzerland (Energie Consulting) basés à Liestal. Ou encore, la présence de sponsors émérites, par exemple lors du forum annuel sur le management des énergies renouvelables à l'instigation du professeur Rolf WUESTENHAGEN: Zurich Assurance, ABB, SGSW, IWB (aee SUISSE).

    Deuxièmement, faut-il rappeler que l'objectivité scientifique donne lieu à un débat permanent dans les sciences humaines où l'on travaille à la difficile articulation des études quantitatives et des études qualitatives ? L'argument d'autorité de la science a été mis en discussion par Howard BECKER, les méthodes statistiques par sondages ont été récusées par Pierre BOURDIEU. Ce ne sont pas des références que vous trouverez dans les Rapports sur l'éolien, rapports entièrement tributaires d'une orientation anglo-saxonne dominante. Ce qui se nomme ici  « psychologie sociale » ou « psychologie environnementale » n'est guère qu'une application de méthodes statistiques à des études cognitivo-comportementalistes. Manque totalement l'apport de la sociologie des organisations (Michel CROZIER), de la sociologie des risques (Ulrich BECK) et des processus de démocratie technique (Michel CALLON, Bruno LATOUR). Quant à la psychologie proprement dite, l'orientation clinique du professeur de Halle, Johannes POHL (qui se réfère aux travaux psychiatriques de BOSSINI, GERBALDO et alii, cf. la bibliographie du Rapport du 28 octobre 2013) donne un jour singulier à la méthodologie du grand questionnaire auquel ont eu affaire les patients de l'éolien. Ce n'est probablement pas un hasard si l'accès aux questions proprement dites est si difficile: explicitées, elles porteraient par elles-mêmes la preuve de la validité de l'enquête.

    Troisièmement, que dire des modes de publication de ces Rapports ? La scientificité d'une étude publiée selon les normes usuelles de l'Université présuppose une reconnaissance par les pairs à travers des comités de lecture ad hoc, ce qui semble être rarement le cas ici. Des auteurs qui nous retiennent, je vois une publication chez Elsevier  dans le Journal « Energy Policy », et un article extrait d'un ouvrage. Pour le reste, ce sont des travaux de professeurs, d'assistants, de doctorants publiés au sein même des Universités et parfois protégés par une clause de propriété intellectuelle.

    Quatrièmement, est-on assuré que les Rapports, alors qu'ils questionnent les habitants sur des paramètres individuels de santé physique et psychique, ont bien passé l'épreuve de l'approbation de la recherche et de sa méthodologie par une Commission d'éthique ?

    Cinquièmement, il est très inquiétant de voir à l'œuvre, dans certains communiqués étatiques et médiatiques, une dérive textuelle englobant la totalité des habitants d'un pays. Trois  exemples. Le titre choisi par l'OFEN pour son communiqué du 28 octobre 2013: « Éoliennes: faible impact sur la population »; on apprendra par la suite qu'il s'agit « des riverains d'un parc éolien en Suisse ». Ou l'équivoque contenue dans le titre même de la grande étude de 2013: « Effets des installations éoliennes sur les habitants en Suisse » - sous-entendu:  sur les 467 personnes interrogées vivant dans un rayon de 5 km au maximum autour de l'un des 7 sites éoliens suisses. Titre que « Le Temps » reformule diplomatiquement ainsi: « Seuls 5,5% des habitants concernés refusent des éoliennes chez eux ».

Claude Schindler
Moutier, le 15 mai 2014
franquemont@bluewin.ch









2 commentaires:

  1. Travail magistral mes chers. A reprendre tel quel pour une carte du jeu des 7 familles! :-)
    Rien n'est plus maléable qu'une soit disant enquête de psychologie soliale.
    A l'arrache, permettez-moi juste quelques remarques complémentaires:
    Pour mémoire, les psychiatres et psychanalystes sont eux- mêmes soumis à une analyse qui leur permettra de comprendre et de déjouer les pièges de leur propre inconscient. Ce faisant, ils pourront accompagner leurs patients de la manière la plus neutre et la plus performante possible, avec le moins d'interférences dues à leur propre vécu. Il faut le savoir, une analyse est un exercice difficile, de longue halaine et qui n'est pas donné à tout le monde. Pour avoir quelques professionnels de la branche dans mon entourage, leurs récits ne donnent pas franchement envie de se prêter à l'exercice.

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  2. Suite: cet exercice d'analyse n'a pas été requis pour accéder aux métiers des sciences sociales dont sont issus les auteurs de ces rapports. La neutralité d'analyse, et comme vous l'avez dit de méthodologie n'est pas garantie.
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    Ensuite, le point le plus important à mes yeux. Choisir un échantillonage sis dans un rayon de 5 kilomètres est particulièrement retors. Imaginez la même analyse au sujet des autoroutes faite sur une population distante de 5 km...Ma main au feu que ces riverains là ne seront pas gênés non plus...
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    Après le mitage du territoire, nous voyons apparaître le mitage de notre tissus académique et du système politique.
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    Vous je ne sais pas, mais il me semble que nous avons passé un cran dans la lutte anti-hélices.
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    Lorsque je suis montée dans ce bateau-là, il me semble que nous en étions aux "petites" magouilles au niveau communal, aux attaques personnelles de dénigrations...DEFCON 4, si on veut.
    Maintenant des affaires telles que la saga des SIG, et tout dernièrement des signatures d'initiative volées...Une première dans notre démocratie il me semble...Digne d'une république bananière! Etant donné que nous, opposants déclarés et ASSUMÉS de l'éolien industriel, ne lâcheront jamais notre engagement, je me pose décemment la question jusqu'où les promoteurs seront-ils prêts à aller? Et surtout avec quels moyens? DEFCION 3?2?1?
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    Ceci ne présage rien de bon pour le futur. Mais n'atteint en aucune manière notre détermination.
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    Mes excuses pour mon absence de la planète web, busy, busy, mais je suis l'affaire de très près, no souci!
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    Et tout mes voeux pour la votation de dimanche!

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