samedi 27 novembre 2021

Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j'y fasse? (G. Anders (Stern))

 


Le déferlement éolien a commencé. Les jugements attendus du Tribunal Fédéral, d'abord Sainte-Croix, puis la Montagne de Granges (et il y en a d'autres à venir, voir ici) tombent en faveur des constructeurs de parcs éoliens, répondant aux attentes politiques inspirées par le lobby  du vent.

L'actualité éolienne en Suisse c'est ici: https://www.paysage-libre.ch/

Dans la crise "sanitaire" actuelle, je retrouve beaucoup des mécanismes constatés dans la lutte contre les éoliennes entre 2009 et 2016. Avec la différence qu'elle occupe davantage les réseaux sociaux et amène vers la lumière à coups de tweet et autres post sur Instagram,  le pire et le meilleur.

J'avoue que ce constat me rend quelque peu sceptique et désespérée. Sceptique sur les intentions réelles de la société telle qu'elle se présente, et désespérée  face à l'ampleur des dégâts.

Ce qui se passe aujourd'hui, d'autres l'ont traité bien avant nous. Nous avions les moyens intellectuels de devancer les problèmes mais cela n'a visiblement servi à rien. Ces personnalités de la première moitié du 20ème siècle, dont les expressions inondent les réseaux sociaux, n'ont pas juste balancé des phrases bateau utiles à résumer un instant de lucidité à partager au 21ème! 

Aujourd'hui c'est Günther Anders qui est arrivé jusqu'à moi, avec un texte plutôt inquiétant, mais pas du tout surprenant, que je vais retranscrire ci-dessous. Le titre de ce post vient de cette phrase dans la présentation du personnage sur Wikipédia: " Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j'y fasse ? explicite le sens de cette devise inspirée d'une formule de GoetheN 2 déjà reprise par Nietzsche : il ne s'agit pas de faire du désespoir, aussi lucidement fondé qu'il soit, une source d'auto-apitoiement, mais plutôt d'affirmer qu'il n'enlève rien à l'urgence de l'exhortation et de l'action1"

L'agonie des paysages jurassiens est terriblement difficile à accepter pour moi. Nous avons fait beaucoup pour alerter sur cette abomination et pourtant elle se fait. Comment une chose pareille peut arriver? Comment rester dans l'urgence et dans l'action après autant de désillusions? Et qu'est-ce qui rend le peuple aussi consentant? Günther Anders nous secoue là-dessus.

Voici un extrait de l'obsolescence de l'homme de Günther Anders, en 1956:

"Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir ».



 

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