Je fais partie d'une génération qui s'est proclamée citoyenne du monde. Je crois que je suis sincère en ce sens que la joie et la souffrance d'un peuple me touche d'où qu'il soit, que je me sens concernée par ses droits, sa dignité et le respect de ses traditions. Je conçois que je ne puisse m'entendre avec et comprendre tout le monde, et j'apprécie de pouvoir vivre là où il m'est possible de m'exprimer, de m'instruire et de me cultiver en toute liberté, de partager ce sentiment et ces acquis avec d'autres. Et dès que je me mets à réfléchir à tout cela, je me rends compte que la frontière entre l'individu et le monde reste parfois infranchissable. À ce stade les lois gèrent le passage...
Le Jura, j'y suis née, j'y vis et j'y travaille. Je ne me suis jamais sentie patriote, sauf... en fait je l'ai été durant toute la période du plébiscite dans les années 70, fascinée par les événements qui poussaient toute une région à réclamer son indépendance. C'était l'aboutissement d'un très long processus dont je ne savais pas grand chose. En 1815 le Jura a été "offert" à la Suisse, au canton de Berne en compensation de sa perte du canton de Vaud notamment, devenu lui-même un canton de la Confédération. Ce mariage forcé n'a jamais marché. Trop de choses séparaient les jurassiens des bernois, à commencer par la langue et bien entendu la religion, que l'on retrouve toujours au coeur de ces conflits de territoires. D'injustices en frustrations, le couvercle a fini par sauter. Normal et prévisible. Le 23 juin 1974 les jurassiens ne faisaient qu'un, je me rappelle encore la puissance de la joie ressentie, qui n'était pas simplement un état d'esprit, mais une atmosphère que l'on respirait.
Après, j'ai voyagé, vécu et travaillé ailleurs, je me suis détachée ou simplement j'ai intégré ce Jura et le monde a continué de m'intéresser, de m'interpeller, d'autres cultures m'ont fascinées et d'autres luttes m'ont semblé justes et nécessaires.
Et puis, ce 5 novembre, le vote annulé de Moutier m'a replongé dans ces impressions palpables de 1974, ancrées dans mon subconscient. C'est sans doute dans les rues jurassiennes en 1974 que j'ai pris physiquement conscience de la puissance de la liberté. L'énorme risque que vient de prendre la justice bernoise en remettant le couvercle sur la question jurassienne, démontre les limites des lois qui gèrent les frontières entre les hommes.
Je vous raconte tout cela parce que la justice m'a souvent déçue, je la trouve de plus en plus compliquée, de plus en plus éloignée de l'humain. À force de puiser ses jugements dans des textes et des faits qui n'ont rien à voir avec le cas qu'elle traite, elle s'embrouille, elle se mord la queue, elle se discrédite.
Pour ne pas tout mélanger ici, je vais poursuivre ces prochain jours ce post et comparer ce jugement sur le vote de Moutier, avec d'autres jugements ou affaires qui mettent en lumière la totale méfiance qu'inspire la décision de la préfète en cause à Moutier, parce que les arguments qu'elle avance, on les retrouve ailleurs pour justifier des décisions contraires.
Je me dis que si l'engagement du maire de Moutier en faveur de la cause jurassienne justifie cette décision, alors tous les permis de construire attribués aux éoliennes industrielles dans la région doivent être annulés et les machines déconstruites. Parce que tous sont portés par des autorités engagées auprès des promoteurs et diffusent une information assimilée à de la propagande!
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